jeudi 10 juillet 2008

L'orphelinat





L’orphelinat (El Orfanato)
Espagne / Mexique 2007

De Juan Antonio Bayona
Avec Belén Rueda, Fernando Cayo, Roger Princep,
Mabel Ribera et Géraldine Chaplin









Cette fois c’est certain la nouvelle vague du cinéma de genre est bien ibérique !
Après la déferlante horrifique extrêmement codifiée engendrée par l’Asie. A L’Espagne et son cinéma de qualité de prendre le relais. Avec ce sens innée du fantastique, cette frontière qui délimite le quotidien du rêve. Voici enfin un pays et des réalisateurs cinéphiles à l’aune du réel et de la féerie, au service d’une dramaturgie imparable.


Après Guillermo Del Toro (Le Labyrinthe de Pan) et Jaume Balaguero (Fragile) qui ont ouvert la voie et fait exploser le cinéma ibérique fantastique à l’échelle mondiale. Au tour de Juan Antonio Bayona dont c’est le premier film et de son scénariste démiurge Sergio G. Sanchez de confirmer la confiance accordée par leurs pairs (Guillermo Del Toro en est le producteur).
Premier essai réussi : l’Orphelinat est une œuvre de maître réalisée avec foi et talent qui frôle la perfection émotionnelle et visuelle. Il n’y a pas à dire, le cinéma espagnol est une réserve de metteurs en scène hors pair (Nacho Cerda pour ne pas citer les autres) à l’identité forte, tout comme le cinéma asiatique possède ses talents et leurs touches inimitables.



Laura (Belén Rueda) revient s’installer dans l'orphelinat où elle a passé son enfance. Accompagnée de son mari Carlos et de son fils Simon, elle espère transformer ce lieu abandonné depuis longtemps et chargé en souvenir, en un foyer pour enfants handicapés. Choyé d’un amour inconditionnel, le jeune Simon ne sait pas qu’il a été adopté et qu’il est atteint du virus HIV. Dans ses jeux quotidiens, Simon peuple cette grande bâtisse d’amis imaginaires afin de tromper sa solitude et son ennui. Très vite, le jeune Simon prétend communiquer avec d'autres enfants qui disent être les pensionnaires de la maison. Lors d’une journée porte ouverte de l’orphelinat, après s’être disputé avec sa mère, Simon disparaît mystérieusement. Les parents et la police pensent à un kidnapping, mais après plus de 9 mois de recherches infructueuses, l’affaire est sur le point d’être classée. Cependant Laura sent que son fils n’est pas loin, en compagnie de ses « amis » qui pourraient bien être les auteurs de son enlèvement. A la frontière entre son enfance et l’âge adulte Laura régresse aux confins du surnaturel et du souvenir afin de retrouver son fils, malgré le scepticisme désabusé son mari.



L’adieu à l’enfance et l’enfance immortelle

Derrière son aspect conte de fée horrifique, le film de Juan Antonio Bayona rappelle aux mortels que nous sommes la triste inéluctabilité de la mort et la douceur du mensonge. L’allégorie à Peter Pan devient alors évidente, lourde de sens, de drame et de poésie, tant elle liée aux personnages. Les enfants du pays imaginaire représente le royaume de l’au delà, dans lequel Simon malade et condamné avait déjà un pied.
Et de part son amour, son ouverture et ses souvenirs Laura serait alors la Wendy de l’œuvre de James Matthew Barrie. Voici un moyen parmi tant d’autre de nous réfugier dans un rêve plus réconfortant que la mort.


Dans sa capacité à faire peur et à susciter l’émoi, le jeune cinéaste rejoint les oeuvres de la littérature de genre et les grands classiques du cinéma. Référence parmi tant d’autre : la maison du Diable, classique formel de Robert Wise en 1963. Dans cette enquête opposant scepticisme et croyance (Carlos et Laura) Bayona rend donc un hommage cinéphile aux grandes œuvres de l’époque. Notamment dans la séquence avec la médium, au premier abord on pense que le réalisateur opte pour une mise en scène sur le ton de la farce et du ridicule, comme si lui même n’y croyait pas. Mais c’est pour mieux nous balancer en pleine face la réalité plausible et effrayante du surnaturel. Sans le savoir nous avons franchit la ligne.



Œuvre d’une grande maîtrise, l’Orphelinat joue avec l’imaginaire pour nous ramener à la plus sordide des réalités (attention au final poignant).
Un conte hypnotique d’une lucidité absolue, quelque part entre les mensonges d’amour des adultes (dénie de la mort, de la maladie et autres traumas de la vie : l’adoption) et la vérité cruelle des enfants (les enfants savent toujours malgré la précaution de nos secrets). Intimiste, subtil et effrayant, voici le grand mensonge de la vie.
Voici la violence de la mort (tangible, laide et implacable), à l’opposé des rêves du royaume des enfants, comme dans l’accident de l’assistante sociale renversée par une voiture, son corps démantibulé, sa mâchoire disloqué. Une scène choc, rappelant l’apprêté de la grande faucheuse. Voici donc le monde des adultes.



Mais l’Orphelinat est aussi un film sur le pouvoir de l’amour, celui d’une mère et de son enfant, un sentiment immortel qui semble perdurer dans sa propre dimension. L’Orphelinat est un royaume à la frontière ténue, entre douleur et réconfort, nous rappelant que nous vivons tous à 2 pas de la mort et de l’amour.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

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