jeudi 10 juillet 2008

Bataille à Seattle




Bataille à Seattle
USA 2008


De Stuart Townsend
Avec Martin Henderson, Andre Benjamin,
Michelle Rodriguez, Ray Liotta, Charlize Theron,
Connie Nielsen, Jennifer Carpenter, Channing Tatum.





En relatant les émeutes qui ébranlèrent Seattle lors de la réunion de L’Organisation Mondiale du Commerce en 1999, StuartTownsend fait, pour un premier long, la démonstration de son ambition à la fois artistique et altruiste. Rassemblant une armée d’acteurs chevronnés, le voici fin prêt à mener sa première bataille cinématographique en se faisant l’écho des milliers de voix qui ce fameux jour s’étaient élevées contre le système et qui aujourd’hui encore continuent à hurler un peu partout dans le monde.


Pour cette première œuvre que l’on peut qualifier d’engagé, le jeune réalisateur fera preuve d’une maîtrise et d’une honnêteté rare. Ne cédant, ni à la facilité, ni au manichéisme, aidé en cela d’un script parfaitement bien écrit et d’une connaissance profonde de son sujet. Sa réalisation à la fois intense et efficace (longue focale, sens du rythme, bande son des chœurs échaudés de la rue, juxtaposition d’images d’archives) va faire preuve d’une intelligence cinématographique surprenante qui nous tiendra en haleine jusqu’à la dernière minute.


Du grand talent, malheureusement desservit par le lobbying des médias et des distributeurs qui étouffèrent dans l’œuf tant d’impétueuses qualités. Ceci en passant sous silence jusqu’à l’existence de ce film et en restreignant au maximum sa distribution en salles.
Bref, une belle démonstration de sabotage calculé, qu’il est grand temps de combattre en réveillant notre intelligence, notre indépendance et notre sens critique.



Pourquoi il faut voir ce film


Cet événement et notamment la répression extrêmement violente des policiers, rassembla un nombre incalculable de manifestants éclectiques et donna naissance sous l’œil des caméras au premier courant alter mondialiste planétaire.


Pendant 5 jours la ville fut en état de siège (un couvre feu fut imposé) et le monde entier avait les yeux rivés sur une page de son histoire. Pour certains, c’était peut-être la naissance d’une conscience mondiale contre les profits de l’OMC au mépris des enjeux planétaires et des pays en voie de développements.
A travers le récit de ces émeutes, des enjeux cruciaux sont ainsi exposés (environnement, humanitaire) et Stuart Townsend nous invite à prendre part au débat.


Ce qui est intéressant dans le travail extrêmement méticuleux du réalisateur, mise à part la volonté didactique de l’introduction, c’est sa capacité à retranscrire les événements sous le prisme et les émotions des protagonistes de tout bord.

Nous cumulons alors les points de vue. Ceux des divers manifestants alter mondialistes, celui du docteur de Médecins Sans frontières qui tente de plaider la cause des pays du Tiers Monde au sein même de l’OMC. Une journaliste se découvre une conscience militante, un policier de la brigade anti-émeute se retrouve plongé dans un chaos dont il ne prend pas toute la mesure, parasité par le trop plein d’émotions de son histoire personnelle.


Mais au delà de cette capacité à nous faire vivre de l’intérieur cette manifestation et le ressentit des différents personnages, Stuart Towsend s’attarde aussi sur les faits, les actes isolés de chacun, ceux de tous, et les conséquences heureuses ou tragiques qui en résultent. Quelques exemples édifiants :

- L’émissaire de Médecins Sans Frontières, à cause des manifestations, ne peut se rendre à la conférence de l’OMC.
- Les médias préfèrent se focaliser sur la violence des affrontements et restent sourd au message des pacifistes et à l’appel des consciences des Organisations Humanitaires.
- L’épouse du policier, enceinte, passée à tabac par les forces de l’ordre alors quelle tentait de rentrer chez elle.


Le réalisateur passe ainsi d’une nuance à l’autre, sans prendre parti, en évitant d’allez chercher du politique là où il n’y en a pas. Avec une efficacité idéale, une écriture parfaite et des interprétations remarquablement justes, Bataille à Seattle s’inscrit parmi les œuvres cinématographiques nécessaires, dont le caractères testimonial apporte un message fort qui se veut représentatif d’une génération abusée par les médias et absorbée par l’égoïsme.


Bataille à Seattle est un cri qu’il faut entendre, un combat qui à défaut d’être mené par l’ensemble des spectateurs doit au mieux être reconnu et mis en avant. Une œuvre salutaire et A-Politique qui démontre combien le devoir de dénonciation et de rébellion peut être vitale pour le bien de cette planète.


Faites vite, ce film ne restera pas longtemps sur les écrans, étouffé par une masse médiatique à vocation débilitante. Voilà enfin une œuvre qui vous invite à réagir, à se poser de bonnes et utiles questions. Voilà du cinéma intelligent et haletant qui mérite mieux que le silence des distributeurs et de la presse.


Cultiver vous !


Apprendre et comprendre, sont des moyens de ne pas subir la dictature d’autrui. Comment peut on accepter que soient bâillonnés ceux qui ont de vraies choses à dire ? Comment au nom de ce qui fait vendre peut-on s’asseoir sur nos principes ? Le prime time cultive-t-il des idiots ? Pourquoi les émissions intelligentes sont-elles reléguées au second, voir troisième plan ? Pourquoi quant une loi est injuste ou immorale, flic, militaire ou fonctionnaire, leur donnent toute légitimité, cela au mépris de leur conscience ? Est-il encore possible de devenir intelligent aujourd’hui ?


Symptomatique du monde moderne, notre confort est notre faiblesse. Il a fait de nous des complices, borgnes plutôt qu’aveugles, parce que nous sommes tous conscients que la planète et la majorité des nations ne peuvent plus continuer ainsi.
En réalité, ce film nous invite tous à reconsidérer nos choix , nos engagements quotidiens, en mettant sur la balance notre intérêt et notre conscience.
Peut être que si il est compris et mieux relayé, Bataille à Seattle pourrait contribuer à faire de nous des citoyens du monde à part entière ?

Allez en attendant, je vais revoir Citizen Dog de Wisit Sasanatieng en m’assurant qu’il ne poussera pas une queue au derrière ! (1)

(1) cf article précédent sur whispering asia de juin 2007.


Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

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