mardi 10 mars 2009

MORSE


Morse

Lat Den Ratte Komma In

(Let the right one in)

2008 Suède


De Tomas Alfredson

Avec Kare Hedebrant, Lina Leandersson

et Per Ragnar











N’y allons pas par quatre chemins, Morse est une perle de sang venu du froid, un tour de force émotionnel de la part de ce réalisateur suédois qui met en scène avec un talent hypnotique ce film de vampire intimiste et éthéré.



Même l’improbable paysage lunaire de la banlieue de Stockholm se prête parfaitement à cette atmosphère naturaliste et onirique. Le magnifique travail d’éclairage des décors naturels rend la neige et la nuit plus belle, plus intense. Adaptation du roman de John Ajvide Lindqvist (qui plus est scénariste du film), la magie opère aussi naturelle que troublante et accompagne avec pudeur ses enfants à la découverte de l’amour et de la solitude.



Oskar, jeune adolescent fragile et taciturne, est le souffre douleur de sa classe, (l’école sous l’objectif d’Alfredson est même plus angoissante que les vampires…). Incompris, contraint au secret pour ne pas inquiéter ses parents, Oskar endure sa peine comme il peut. Dans ce rapport aux adultes et notamment d’Oskar vis à vis de ses parents, Alfredson s’amuse à filmer certains plans à « hauteur d’enfant », pour mieux signifier le décalage entre ces deux mondes et l’absence de communication.

Tous les soirs, pour tromper sa solitude et son amertume, Oskar se réfugie au fond de la cour de son immeuble et imagine des scènes de vengeance en poignardant un vieil arbre mort. C’est là qu’apparaît Eli, pieds nues sous la neige, en t-shirt malgré le froid glacial… .



Eli vient de s’installer, en compagnie d’un vieil homme que l’on pourrait prendre pour son père. Elle vit sur le même pallier qu’Oskar, mais ne sort que la nuit. Or depuis son arrivée, la ville est frappée par une série de meurtres sanglants. Oskar commence à comprendre, Eli est un vampire. Mais avec cette compagne nocturne, il trouve enfin quelqu’un avec qui se lier d’amitié.



Morse est une expérience intimiste et originale. Le titre suédois : Lat Den Ratte Komma qui signifie « Laissez entrer le juste » nous livre une relecture originale et poétique du mythe du vampire, selon la mythologie littéraire instaurée par Bram Stoker (le créateur de Dracula). Le vampire ne pouvait renter chez quelqu’un que s’il avait été invité. Jouant sur le mythe de la bête et l’amour de ces préadolescents, voici une rêveuse interprétation.



Aux yeux d’Oskar, Eli est « le juste », l’élue de son cœur et de ses vœux. Quant à Eli, Oskar est le compagnon quelle recherche, non seulement pour sa survie, mais également pour accompagner son errance solitaire. « Laissez entrer le juste »Eli est toujours à la droite d'Oskar (le Juste est à la droite de Dieu). Lorsqu’Oskar (par jeu et curiosité) refuse de l’inviter à entrer, Eli dans un élan suicidaire lui démontre les conséquences terribles de son geste. Une abnégation sacrificielle sanglante et bouleversante.



L’ambivalence sexuelle et morale plane tout au long du film, sans même nous heurter, avec une pudeur rare. Il y a une réelle poésie, dans les rapports entre Eli et Oskar. Elle prisonnière de son corps d’enfant, lui tendre prétendant platonique. C’est une relation très pure.



Oskar avec l’espoir, cet amour innocent et la tolérance d’un enfant esseulé accepte Eli, sans états d’âmes, parce qu’il n’y a ni bien, ni mal, dans sa nature profonde. Elle est un être différent qui doit simplement se nourrir. Le jugement appartient aux adultes.

Nous avons, nous aussi, accepté par delà toute morale, la nature profonde d’Eli, un vampire…

Et puis ses apparitions presque irréelles, dans ce paysage sélénite, on la croirait issue d’un rêve… peut-être l’incarnation des fantasmes morbides d’Oskar ? Tout cela cultive le doute, la frontière avec le réel, toute la quintessence du fantastique, par ses différents niveaux de lecture. On en vient à se demander « Oskar ne rêve t il pas tout ça ? »



Dans cet arrangement amoureux, ces deux solitaires trouveront leur compte et le bonheur. Fut-il contre nature. C’est là toute l’ambiguïté de l’enfance, Morse est un film à la frontière de l’innocence qui nous offre une escapade imaginaire et ensanglantée.

Pourtant l’empathie d’un baiser pudique et sanglant a fait de nous les tendres complices d’Eli et Oskar.

Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!