mardi 28 mai 2013

Mama

Espagne / Canada 2013
De Andres Muschietti
Avec Jessica Chastain, Nikolaj Coster-Waldau,
Megan Charpentier, Isabelle Nelisse









Mama, c’est d’abord une histoire d’amour, celle de Guillermo del Toro pour un short film terriblement efficace (3 min en plan séquence), diffusé en 2008 sur le web, de l’argentin Andrés Muschietti. Sous le charme, le producteur mexicain encourage le jeune réalisateur à transformer son court en long. Une histoire d’amour également, parce que le film de Muschietti nous parle de maternité, d’attachement et de jalousie, d’un combat entre une figure maternelle en devenir et une autre terrifiante, figée dans la douleur et inconsolable.


Dès les premières minutes, Mama donne le ton, celui d’une fable horrifique qui se heurte à la froideur du monde moderne. Celui de Jeffrey (Nicolaj Coster-Waldau), trader ruiné depuis la crise qui, basculant dans la folie, tue sa femme et kidnappe ses deux filles Victoria et Lilly (Megan Charpentier et Isabelle Nelisse). Après un accident de voiture, il erre avec ses filles dans une forêt et tombe sur une vieille maison abandonnée. Une fois à l’intérieur et alors qu’il s’apprête à commettre l’irréparable, il est tué par une entité mystérieuse qui se prend d’affection pour les deux orphelines.


Cinq années plus tard, Victoria et Lilly sont retrouvées à l’état d’enfants sauvages dans cette même cabane délabrée. Une question demeure : comment ont-elles pu survivre seules pendant toutes ces années ? Leur oncle Lucas (frère jumeau de Jeffrey) et Annabel sa petite amie (Jessica Chastain) les recueillent et tentent de les initier à une vie normale. Mais une présence inquiétante semble accompagner les deux petites filles, une présence qu’elles nomment affectueusement « mama ».


Andrés Muschietti a la bonne idée de faire évoluer son récit sur un schéma familial inédit, loin des canons de l’american way of life, ce qui rend l’évolution des protagonistes (notamment Annabel et les enfants) crédible et captivante. Annabel, bassiste dans un groupe de rock, incarne une figure maternelle peu conventionnelle, pas encore prête à embrasser la vie de maman, tandis que Lucas, en oncle aimant, est totalement dévoué à la réinsertion de ses nièces. Dans ce tableau relationnel original, le surnaturel flirte ainsi avec le réel. D’une part avec la présence des fillettes dont le comportement (du au choc culturel et affectif) instaure un malaise certain et bien entendu avec la présence d’un spectre maternel de plus en plus possessif. L’inquiétude pèse en permanence et le fantastique omniprésent, presque naturel (du moins pour les deux fillettes), s’immisce à coup d’ingénieux hors champs et plans séquences dans une parfaite gestion de l’espace.

 

Mama est un conte fantastique inquiétant, mélancolique et la poésie morbide qu’il dégage n’a de cesse d’évoquer sa thématique puissante. Tout comme les protagonistes, le film de Andrés Muschietti s’apprivoise et se laisse gagner par l’émotion, si bien que l’on tolère ses écarts d’épouvantes parfois too much ou convenus (quelques références à the Grudge, Ring et Projet Zéro). Mais qu’on se rassure Mama est bel et bien un film effrayant doublé d’une réelle psychologie, un univers dans lequel les larmes évoluent autant que la peur.



Quant à son final, on ne peut que saluer le courage du réalisateur qui est allé jusqu'au bout de son propos, en refusant de céder à un happy end convenu. En refusant tout consensus, au profit d'une monstruosité terriblement humaine, quitte à épouser une formalité lyrique et cruelle. Complexe dans la mort comme dans la vie, Andrés Muschietti démontre que l’on ne devient pas parent dans sa chair, mais dans l’amour.