jeudi 10 juillet 2008

Abandonnée

N’oublie pas que tu vas mourir.


ABANDONNEE (The Abandonned)

De Nacho Cerda
Avec : Anastasia Hille,
Karel Roden, Valentin Ganev
Certes, ce blog est consacré au cinéma asiatique. Mais tout cinéphile et passionné que nous sommes, nous devons également tolérer quelques justes digressions, quand l’actualité cinématographique nous gratifie d’œuvres rares et puissantes, mais qui ne bénéficient pas d’une campagne promotionnelle de circonstance.

La particularité du cinéma, lorsqu’il atteint un degré d’excellence est de pouvoir dans son authenticité transcender les cultures et les frontières. Et ainsi, marquer les yeux et les consciences de spectateurs venant de tout horizon. C’est actuellement le cas avec le cinéaste espagnol Nacho Cerda.
Voici donc le premier long métrage, d’un orfèvre de l’ambiance, qui avait déjà fortement remué la critique avec ses 3 derniers courts (The awaking, Genesis et Aftermath).

Pour son premier film, Nacho Cerda, réalise un coup de maître dans le cinéma de genre. Et signe, là où beaucoup d’autres ont échoué, une des histoires de fantômes la plus originalement écrite et transcrite. Thématiquement riche et visuellement terrifiante.
La caméra de Cerda, comme son travail de mise en scène, concordent à un subtil stratagème, visant à enfermer nos émois, nous maintenant dans une tension permanente, à la frontière du rêve et de la réalité. Une réalité distordue par les effets de la peur.

L’histoire prend pour cadre les campagnes reculées de Russie, étendues désolées, grises et froides, terres de fantasmes inconscients et de terreurs primitives. Le choix et l’exploitation du décor sont extrêmement judicieux pour la linéarité du récit. En ce rendant sur la terre de sa naissance, là où elle fut abandonnée, l’héroïne se retrouvera isolée comme au jour de sa naissance. Elle devient à la fois victime et auteur de sa propre fatalité, esseulée, coupée du monde et de tout espoir.

Maudit soit le jour de ta naissance








Sur les traces de son passé, Marie, citoyenne américaine, à quelques jours de son quarante deuxième anniversaire, se rend en Russie, sa terre natale, afin de découvrir qui étaient ses parents biologiques et les raisons de son abandon. Elle apprend alors qu’elle a hérité de la demeure familiale, une ferme lugubre et délabrée, isolée sur une île perdue au milieu des campagnes slaves. Mais en fouillant ses origines, Marie se retrouve prise au piège d’un cercle infernal qui lui révélera une vérité atroce. Elle et son frère jumeau jusque ici inconnu, vont se retrouver aux prises d’un funeste destin, auquel ils tenteront d’échapper. Après avoir tant couru après son passé, Marie doit à présent le fuir.


Abandonnée baigne constamment dans une atmosphère lugubre, comme si le film était habité par la Mort et l’inéluctable. Réalisation méticuleuse, mise en scène machiavélique, le film comme la maison de Cerda se referme tel un piège sur les protagonistes. Un puzzle parfait et implacable, balayé par un effroyable jeu d’ombres et de lumières. Notamment dans cette surprenante scène où Marie de sa lampe torche, balaie l’obscurité poussiéreuse, révélant dans chaque pièce, les tragédies sanglantes du passé.
Un hommage appuyé à Lucio Fulci dans ses relents sanglants et organiques (les yeux opalescents des doubles zombis des héros) et plus proche de nous des réminiscences à Silent Hill, le concept horror game de konami (variation et dégradation des décors sous l’opacité des ténèbres, la scène du placard…). Ce film est un cauchemar éveillé, devant lequel les morts en puissance hurlent à la vision de leur cadavre pourrissant.
Et c’est bien cette notion de cauchemar qui nous plaquera sur nos sièges tout au long de la projection. Abandonnée est un songe horrible et mystérieux dont il parait impossible de sortir. Ce film suinte d’une peur étrange, née de l’inéluctabilité de notre fin certaine.

Mais bien au-delà d’une mort imminente qui traque ses personnages, Abandonnée se prête à une seconde lecture, psychanalysant par le cauchemar les traumatismes de l’abandon, le tabou des secrets de famille.
Ainsi la quête d’identité de nos héros s’avérera des plus néfaste. Sommes nous condamnés à reproduire les erreurs de nos familles ? Les horreurs d’un passé inconnu peuvent-elle nous sauter au visage si nous posons les yeux dessus ? Nacho Cerda ne prétend pas apporter de réponses claires mais conclue sur une idée saugrenue que parfois le choix de l’ignorance peut être salutaire pour certains.


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Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

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