jeudi 26 mars 2015

The Voices

(2015)
Etats Unis / Allemagne
 Marjane Satrapi
Avec Anna Kendrick, Gemma Arterton,
Jackie Weaver, Ryan Reynolds


Marjane Satrapi (Persépolis) aborde avec une apparente légèreté le thème de la folie et plante son décor acidulé à Milton, petite ville paumée des Etats-Unis. Cette cité village quelque peu aseptisée où tout le monde se connait, inventée pour les besoins du scénario, sera le terreau idéal de son expérimentation cinématographique et d’une réflexion tendre et décalée sur la solitude et l’aliénation comme réponse à la souffrance.

Dans cet environnement monotone et tranquille, tout est beau, rose et charmant, du moins aux yeux de Jerry (Ryan Reynolds) manœuvre dans une fabrique de baignoires, principal poumon économique de la ville. Jerry est un garçon gentil, la politesse maladroite, mais possède une perception quelque peu particulière de la réalité. Jerry entend des voix et converse régulièrement avec son chien et son chat, faisant respectivement office de bonne et mauvaise conscience. Constamment  béat quant à l’univers qui l’entoure, du moins quand il ne prend pas son traitement, Jerry paraît d’autant plus fragile, lorsqu’il s’éprend de sa collègue Fiona et la tue par accident. Aux prises avec ses états d’âmes et la présence intrusive de ses voix, Jerry enchaînera les catastrophes et les cadavres bien malgré lui, s’enfonçant chaque jour un peu plus dans sa névrose.



Personnage centrale du film, Ryan Reynolds déploie ici une palette d’émotions incroyables et incarne avec brio un rôle sur le fil, à la fois grave et léger. Complice de la réalisatrice, il réussit à nous faire aimer cet être fragile, innocent et esseulé en dépit de ses actes ignobles et impardonnables.



Marjane Satrapi au détour de chaque scène embarque son spectateur, sans que jamais la lassitude le gagne. Imposant son style (sa patte oserai-je dire) et ses intentions, la réalisatrice se délecte à confondre les prismes du sordide et du surréalisme le plus sucré. Le paraître révélant l’être, sa réalisation reflète ainsi la pellicule mentale de son héros, ponctuée par de dramatiques retours à la lucidité.

 

L’absurde et l’étrange sont ainsi intimement liés à une notion bien réelle, celle de la folie. La réalisatrice choisi une vision enchanteresse et comique des turpitudes de son héros, permettant ainsi au spectateur de soulager ce qu’il voit par un rire salutaire, une manière comme un autre de le préserver de l’effroi et de surmonter l’insoutenable vérité. Mais dans un souci d’humanité, le rire fini toujours par avoir un goût amer, celui d’une douloureuse réalité. Aussi, à l’image de Jerry, on finit par replonger, se bercer de déni et croire que tout finira par s’arranger. Marjane Satrapi a réussi son pari en révélant chez le spectateur sa capacité d’empathie, démontrant que l’amour est un besoin universel et que la solitude engendre la folie.



Voyage au-delà du déjà vu, The Voices regorge de détails insolites, presque subliminaux (un poster par-ci, une étiquette par-là…), comme dans l'appartement de Jerry directement raccord avec sa psyché et ses humeurs. Dans le fond, comme dans la forme, la réalisation de Marjane Satrapi fait preuve d’une subtilité si tranchée qu’elle mériterait dans la foulée une seconde vision tant il y a de richesses à exploiter.

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